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14/05/2016

Le vrai problème du XXIe siècle 

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...celui dont les débats officiels ne parlent pas :


 

 

Sous prétexte de ''libérer'' et de ''connecter'' l'humanité, les géants capitalistiques du Net (Alphabet-Google : 1000 milliards d'euros) sont porteurs d'une utopie déshumanisante. Or ils ont les moyens de l'imposer ! Avant-garde du capitalisme ultralibéral, plus puissants que beaucoup d'Etats, ces géants sont en train de ''détruire- construire un monde sans limites avec notre complicité bienveillante... Faudra-t-il un jour découvrir que le numérique a la même odeur que le pétrole d'antan, ou aurons-nous mis en place les nécessaires contre-pouvoirs ou les alternatives ?'' [1]

Dans un entretien publié ce matin [2], le chercheur américain Evguenyi Morozov [3] explique que les géants du privé high-tech s'emparent de toutes les fonctions sociales pour en faire des marchandises ; aujourd'hui Uber ou AirBnB, demain la santé, les transports, l'éducation... Ce sera ''l'avènement d'un modèle néolibéral très individualisé'', dont le véritable but est ''une financiarisation accrue de la vie quotidienne'' et ''une privatisation de la loi''.

Ce n'est pas tout. Il y a également le volet biotech : le transhumanisme, gisement de profits illimités. Et le volet financier :  les GAFA (Google-Amazon-Facebook-Apple, hégémoniques dans la collecte de données à l'échelle mondiale) régnant sur Wall Street, au point de se mettre à concurrencer aussi les banques dans plusieurs de leurs ''métiers''...

 

Qui parraine la marchandisation-déshumanisation pilotée par les géants du Net ? Toute la classe politique US : évidemment Hillary Clinton, mais donald Trump aussi ! Soi-disant ''anti-système'', Trump semble surtout parti pour détruire les normes. C'est pourquoi l'un de ses principaux soutiens est Peter Thiel, PDG de PayPal et disciple de la défunte Ayn Rand (chantre d'un libéralisme luciférien). Auteur du livre Comment construire le futur [4], Thiel est l'un des investisseur du Seasteading Institute, fondé pour créer des îles artificielles (hors des eaux territoriales) sur lesquelles tous les aspects de la vie seront modifiés selon les principes libéraux-libertaires, dans la suppression ''de toute norme ou régulation''... Un autre des soutiens de Trump est Travis Kalanick, fondateur d'Uber et disciple posthume, lui aussi, de l'effrayante Ayn Rand.

Cet engrenage peut-il être bloqué ? Selon Morozov, seuls des Etats pourraient y parvenir : ''Tout ce que nous avons appris ces vingt dernières années indique que les seuls acteurs que craignent les entreprises technologiques sont les gouvernements...'' A deux détails près : 1. le gouvernement américain est acquis aux géants, et les non-américains ne veulent que défendre ''leurs propres géants industriels'' face aux américains ; 2. depuis les années 1990, les gouvernements occidentaux ont abdiqué au profit de la sphère financière. La timide réaction de Paris face au TAFTA est électorale ; on doit craindre qu'elle cesse après 2017, notamment si M. Juppé s'installe à l'Elysée.

''Pas de réponse crédible sans repenser le capitalisme et l'orientation du projet européen'', dit Morozov. Quelles sont les chances d'une telle évolution ? Actuellement le politique est mort. Pour le voir ressusciter, il faudrait que les dangers s'alourdissent au point de forcer les dirigeants, poussés par les peuples [5], à briser leurs chaînes dorées. Ex-ministre des Finances de Clinton, ex-conseiller d'Obama, l'économiste Larry Summers constate (Washington Post du 10 avril) que les opinions publiques ne croient plus dans la paix et la prospérité censées venir de ''l'intégration économique mondiale'' : cette dernière est perçue – ''en partie à juste titre'' – comme ''un projet mené par les élites au profit des élites''...  Même le Financial Times (24 avril) en convient : ''Nous en sommes au point où la mondialisation et la zone euro ont nui non seulement à des groupes sociaux, mais à des pays entiers. Si les dirigeants politiques ne réagissent pas, les électeurs le feront...'' Le mouvement anti-TAFTA ''touche des couches sociales beaucoup plus larges [que le mouvement anti-AMI dans les années 1990]'', constate la revue Foreign Affairs du 6 avril : ''lors de la manifestation de Berlin à l'automne, les rues voisines de la porte de Brandebourg étaient pleines d'ouvriers et d'employés. Ces gens croyaient jusqu'ici dans les réglementations mondiales : ils constatent avec inquiétude que la politique commerciale sape désormais la démocratie...''

Plutôt que des accords commerciaux internationaux, concluait Summers, on devrait négocier ''des accords sur les droits des travailleurs et la protection de l'environnement''. Pour cela, il faut combattre l'idéologie libérale. Le pape le fait. Nos dirigeants s'y jettent au contraire de plus en plus, tous partis confondus. C'est donc dans la prise de conscience populaire que réside la seule possibilité. Aidons nos concitoyens à le ''constater avec inquiétude'' : si la politique commerciale est le moteur de l'engrenage, la menace s'étend à tous les aspects de la vie humaine que le libéralisme transforme en marchandise.

 

L'homme du XXIe siècle est guetté par une aliénation sans précédent. Tant qu'il ne la discernera pas, il n'aura aucune chance d'y échapper.

 

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[1] Johan Hufnagel, Libération 14-15/05.

[2] ibid.

[3] Son dernier livre décrit le rôle de la Silicon Valley dans la réalisation de l'utopie hypercapitaliste (Le mirage numérique, éd. Les Prairies ordinaires).

[4] JC Lattès 2016.

[5] « une saine pression », dit Laudato Si'.

 

 

 

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Commentaires

MODERNE

> "Le monde moderne n'est pas universellement prostitutionnel par luxure. Il en est bien incapable. Il est universellement prostitutionnel parce qu'il est universellement interchangeable."
Note conjointe sur M. Descartes (1914)
http://www.charlespeguy.fr/extraits#noteC
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Écrit par : isabelle / | 14/05/2016

FAIRE AUTRE CHOSE

> « Ces gens croyaient jusqu'ici dans les réglementations mondiales : ils constatent avec inquiétude que la politique commerciale sape désormais la démocratie... »
Oui, oui, ils y croyaient… parce qu’on leur a menti, on les a abusés. C’est la classe politique européenne, qui s’est chargée de la basse besogne.
Voir Catéchisme de l’Eglise catholique :
« 2483 Le mensonge est l’offense la plus directe à la vérité. Mentir, c’est parler ou agir contre la vérité pour induire en erreur. En blessant la relation de l’homme à la vérité et au prochain, le mensonge offense la relation fondatrice de l’homme et de sa parole au Seigneur.
2484 La gravité du mensonge se mesure selon la nature de la vérité qu’il déforme, selon les circonstances, les intentions de celui qui le commet, les préjudices subis par ceux qui en sont victimes. Si le mensonge, en soi, ne constitue qu’un péché véniel, il devient mortel quand il lèse gravement les vertus de justice et de charité.
2485 Le mensonge est condamnable dans sa nature. Il est une profanation de la parole qui a pour tâche de communiquer à d’autres la vérité connue. Le propos délibéré d’induire le prochain en erreur par des propos contraires à la vérité constitue un manquement à la justice et à la charité. La culpabilité est plus grande quand l’intention de tromper risque d’avoir des suites funestes pour ceux qui sont détournés du vrai.
2486 Le mensonge (parce qu’il est une violation de la vertu de véracité), est une véritable violence faite à autrui. Il l’atteint dans sa capacité de connaître, qui est la condition de tout jugement et de toute décision. Il contient en germe la division des esprits et tous les maux qu’elle suscite. Le mensonge est funeste pour toute société ; il sape la confiance entre les hommes et déchire le tissu des relations sociales. »
On retiendra surtout cela : « Il contient en germe la division des esprits et tous les maux qu’elle suscite. Le mensonge est funeste pour toute société ; il sape la confiance entre les hommes et déchire le tissu des relations sociales. » Tout est dit.
Le Pape, ben oui, qu’est-ce qu’il dit le Pape ? Il dit ça:http://fr.radiovaticana.va/news/2016/05/13/%C2%ABla_lutte_contre_la_pauvret%C3%A9_est_un_probl%C3%A8me_moral_avant_d%E2%80%99%C3%AAtre_un_probl%C3%A8me_%C3%A9conomique%C2%BB/1229548
On a bien lu :
"Les conséquences d’une économie uniquement orientée vers le profit et le bien-être matériel sont visibles également dans les sociétés les plus développées où l’augmentation du pourcentage de la pauvreté et la déchéance sociale menacent gravement les familles et la classe moyenne."
La lecture du Vernimmen 2015 (un tissus de conneries et d’invraisemblances parfaitement incohérent), nous enseigne que les auteurs ont fait une grande découverte : le monde réel est plus « visqueux » que le monde des capitaux. Un détenteur de capitaux peut envoyer des milliards à l’autre bout de la planète en quelques secondes. Mais dans le mondes des humains, c’est plus lent. C’est sûr pour envoyer travailler un ouvrier français dans les pays de l’Est, qui devrait, disons, apprendre le hongrois, une des langues les plus dures de la planète pour au final être payé au lance-pierre, ça prend du temps. Et il perdra sa famille,ses amis… Et de toute façon s’il reste là pour retrouver du travail, ça prend du temps, il faut le former, le reconvertir….
Le Pape a parfaitement raison de fustiger l’économie liquide. La liberté des mouvements de capitaux, un des quatre grands acquis de l’Acte Unique Européen, et de l’euro par voie de conséquence, est tout simplement un pouvoir gigantesque remis entre les mains de quelques-uns qui ont le droit de modifier, quasiment sans contre-pouvoir, la vie de millions d’autres (au bas mot).
Rien de cosmétique ne changera l’Union Européenne. Je l’ai toujours dit et pensé, il faut défaire tout ce qu’a fait Delors, tout ce qui a été fait depuis, et faire autre chose.
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Écrit par : ND / | 14/05/2016

@ ND


> Dans les années 90 les catholiques français entendaient raconter en chaire que Delors était un modèle chrétien.
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Écrit par : E Levavasseur / | 15/05/2016

@ EL

> Je dirais même : le modèle du chrétien engagé dans l'action publique...
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Écrit par : Feld / | 16/05/2016

@ Feld et EL

> Oui, c'est vrai. Mais je constate que la liquidité de l'économie va de pair avec la liberté de circulation des capitaux.
Pour aller jusqu'au bout, il me souvient, une émission dans laquelle des ténors de la gauche expliquaient que si c'était à refaire, ils auraient renégocié l'AUE, qui était passé sous la droite.
J'entends encore un prof de droit dire à des étudiants qui râlaient contre le traité de Maastricht:"de toutes façon, tout Maastricht est dans l'AUE. C'était donc en 86 qu'il fallait râler."
L'on ne sache pas que Delors ait démissionné de la présidence de la Commission. Qui ne dit mot consent. Dans son cas, c'est même pire que cela: il a participé, et en mouillant sa chemise.
On parlait à l'époque d'Europe sociale. Puis cela s'est arrêté tout d'un coup. Delors aurait permis l'Europe sociale. Les Français l'attendent encore. Si j'ai bon souvenir la Fondation Delors s'affiche sur son site internet en faveur du Tafta...
Pensez ce que vous voulez, Delors, c'est très peu pour moi. Un homme politique, ça juge sur ses résultats. Vous avez les résultats; tirez-en les conclusions qui s'imposent.
La liberté de circulation des capitaux est une des quatre grandes libertés communautaires. Grâce à Delors. Comme ça je ne sais quel milliardaire, si le caprice lui en prend au petit déjeuner entre deux tartines a le droit de décider de foutre en l'air la vie de millions de personnes, sans que personne ne lui dise rien. Et l'euro en est très certainement le vecteur.
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Écrit par : ND / | 16/05/2016

@ ND

> Vous n'avez pas compris : je pense de Delors la même chose que vous mais je dis que ça va être dur de faire revenir en arrière beaucoup de catholiques qui ont entendu dire de lui qu'il était un modèle, un vrai chrétien engagé (on se demande vraiment en quoi ?!!) et qui l'ont gobé.
J'ai apparemment subi la même propagande pro-Maastricht que vous quand j'étais étudiant.

petit rappel : http://plunkett.hautetfort.com/archive/2012/09/17/64-des-francais-ne-voteraient-plus-oui-au-traite-de-maastric.html
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Écrit par : E Levavasseur / | 17/05/2016

@ EL


> Désolé, je n’avais pas compris. Mais ne vous inquiétez, pas, ça finira par se faire, même si ça prendra encore pas mal de temps. Quand ils se retrouveront au chômage sans indemnités, ils finiront forcément par comprendre. Lisez ce qui suit ; oui, oui, on est bien dans le monde réel.
http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2016/05/17/31001-20160517ARTFIG00137-ce-que-la-loi-el-khomri-doit-a-l-union-europeenne.php
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2016/05/18/20002-20160518ARTFIG00090-le-fmi-propose-d8216etaler-la-dette-grecqueentre-2040-et-2080.php
Qui dit mieux ?
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Écrit par : ND / | 18/05/2016

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